Terres agricoles en danger : Calmels, un cas d’école

Vers la fin des années 1970, le domaine de Calmels, sur lequel sont élevées quelques 500 brebis lait pour Roquefort, est en vente. La SAFER* veut préempter pour l’armée en vue de recaser les paysans qui, sans la lutte du Larzac contre l’extension du camp militaire, auraient été expulsés de leurs fermes. Pour éviter la préemption avec révision de prix à la baisse, les propriétaires créent un des premiers GFA, Groupement Foncier Agricole**, leur permettant de vendre progressivement leurs parts de propriété. Ainsi, ce remarquable domaine agricole de 850 ha dont une soixantaine de cultivable passe de propriétaires en propriétaires, de gérants en gérants, travaillé par des fermiers, des salariés ou des prestataires de services.

Au début des années 2000, malgré l’indignation de la population, les propriétaires clôturent la ferme pour y exploiter des troupeaux de daims, mouflons, sangliers… et faire venir des chasseurs toute l’année. Des lacs sont creusés pour attirer du gibier d’eau. Des bâtiments agricoles pourtant fonctionnels (salle de traite, etc.) sont démontés et des gîtes construits pour recevoir les clients chasseurs.

Puis, le GFA s’est agrandi avec le domaine du Luc, portant la partie clôturée pour la chasse à plus de 1000 ha. Les propriétaires possèdent tout le matériel pour produire le foin, faire de l’ensilage pour nourrir leurs troupeaux l’hiver. Si les parcours sont sur-pâturés, c’est une question de gestion du chargement/ha, comme pour tous les éleveurs souvent soumis aux aléas de la sécheresse. Aujourd’hui, les propriétaires du groupement foncier agricole en veulent plus : la location ou la vente de la ferme à une société de photovoltaïque devrait leur permettre une plus-value fantastique.

Laisser passer le projet industriel de Calmels serait la porte ouverte pour tous les propriétaires, paysans ou non, à la financiarisation de leurs terres, signant ainsi l’arrêt des activités paysannes nourricières, le renoncement à la biodiversité et aux paysages qu’elles génèrent, et ceci, pas seulement sur le Larzac : la campagne, les paysans sont en danger !
En agriculture, les locations, les fermages et les ventes sont encadrés par des lois et réglementations, en particulier pour les prix en fonction des catégories de terres et de landes. Un changement de destination des biens entraînerait la précarisation des fermiers. Calmels est essentiellement classée « terre » et « lande ».
Le gérant du GFA est inscrit à la Mutualité Sociale Agricole en tant que cotisant solidaire comme de nombreux paysans.

Les 400 ha en herbe

SUR LA PARTIE LANDE (dont une expérimentation de semis d’herbe réalisée sur 5 ha), de sérieux doutes sont permis sur la réussite d’implantation de culture. Remplacer la végétation spontanée adaptée depuis des millénaires par de l’herbe implantée, sélectionnée avec des engrais, c’est de la destruction. Des essais de ce type ont déjà eu lieu et au bout de peu de temps ce sont des chardons et des buissons noirs qui se sont installés. Le pâturage de brebis ne suffirait pas à les contenir, alors quelle solution envisage Arkolia : glyphosate ? Débroussailleuse ?

SUR LA PARTIE TERRE, il serait surprenant que les panneaux puissent être démontés chaque année pour faire les foins dont ont besoin les animaux en hiver… Et de toute façon, il serait étonnant que sous les panneaux photovoltaïques, un élevage ovin extensif puisse trouver sa subsistance, vu le contexte pédoclimatique du lieu, la repousse naturelle de l’herbe sous les panneaux est aléatoire, qui de plus sur des sols concassés préalablement.

Le projet « agro-pastoral » d’Arkolia utilise le système des compensations obligatoires en cas d’artificialisation des terres : « éviter, réduire, compenser » !

Arkolia n’a pas la compétence pour accompagner les paysans mais glane des idées pour se substituer aux structures agricoles afin de faire passer le projet. Y impliquer des paysans serait leur trouver une caution pour leurs élucubrations ! Un seul conseil : éviter !

Les 600 ha promis au public

Les 600 ha qui seraient ouverts au public sont les moins bons pour l’agriculture ainsi que pour l’usager des balades et des observations ; la société Arkolia ne pense pas les gérer elle-même ; lorsqu’ils proposent de les faire gérer par la LPO, ou le département, il s’agit purement d’une opportunité de mécanismes compensatoires !

Arkolia a d’ailleurs fait référence au domaine Montcalm partiellement acquis dans les années 2000 par le Conseil Départemental et la Communauté de Commune du Lodévois-Larzac à la suite de l’action Cisternette de 2002 pendant laquelle David Perrier, soutenu par la Confédération Paysanne, avait squatté la propriété pendant 3 ans. Les collectivités territoriales, reconnaissant d’utilité publique l’installation et le maintien des paysans et du pastoralisme, avaient alors répondu à cette action par ces acquisitions. Incitation au squat ? Sur Calmels, au prix agricole, il pourrait y avoir des projets paysans…

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